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Monsieur M

Il y a moins de 100 ans

Les fragments de Mephis 21 seraient répandus sur différentes planètes ?

La sonnette retentit à nouveau.
L’Homme ne s’y attendait pas.
Toujours prêt, toujours une échappatoire, toujours un plan de secours, un alibi, jamais pris au dépourvu.
Qu’avait-il raté ? Où s’était-il trompé ? Lui qui ne faisait jamais d’erreurs.

« Monsieur M, La Police Howk est là… ».

Majordome incompétent, il l’avait appris au moment même où ces fichus loups posèrent une de leurs griffes sur ses terres.

« Les fait pas attendre imbécile ! Amène-les au salon. Traite les en invités. »

Houspiller le laquais était inutile, il était tendu, encore une erreur. Les quelques minutes qu’il venait de gagner, il lui fallait les rentabiliser. Il se dirigea rapidement vers ses appartements, prenant le nécessaire à toutes négociations litigieuses.
Tout en se préparant à la future entrevue, son esprit s’échauffait, tournait et retournait la situation dans tous les sens.

Il avait été discret, neuf cent ans qu’il vivait, jamais on n’avait encore repéré sa nature. Changeant d’apparence, se créant sur le temps une fausse dynastie, empruntant l’identité d’un cousin éloigné, d’un neveu oublié, ou bien d’un oncle revenu de guerres lointaines, il finissait toujours par récupérer les rênes de son domaine malgré les diverses suspicions que l’on pouvait avoir sur sa personne.
Aidé bien entendu, car le temps était son allié, par ses belles prises, artefacts convoités qui lui ont permis de tenir tant d’années.

Pourquoi étaient-ils là ? Que savaient-ils ?

Plusieurs raisons pouvaient les avoir amenés à sa porte.

Des affaires qu’il avait soigneusement étouffées, dont quelques-unes en lien avec le Vampire, mais qui pourrait bâtir ne serait-ce qu’une ferme sans l’aide de ce parasite. Non… Ce ne pouvait être Le Mal Nommé, faire commerce avec le suceur de sang s’était aussi s’assurer sa protection, c’était sa principale valeur ajoutée.

Ou bien les quelques reliques qu’il avait récupéré. Improbable, les seuls témoins sont morts avec les restes des civilisations dont il avait excavé les fondations.

Hésitant, il sortit l’objet du tiroir scellé de son chevet. La peur est une mauvaise alliée, mais avec cela en poche il se sentait rassuré.

Il craignait le pire, qu’ils soient venus pour lui, qu’ils savaient, qu’ils savaient qu’il était immortel.

Il ne se laisserait pas sceller sans combattre, il avait des droits, et tant bien même, il avait acquis du pouvoir, le vrai, celui qui permet de vivre en ce monde.

Il avait fini dans les temps. Appuyer sur canne, aussi prestement qu’il put, il se dirigea vers le salon de réception. Il avait été efficace et si son personnel avait bien fait son travail, ses futures interlocuteurs avaient été mis à l’aise et venaient à peine d’être installés.

Il ouvrit la porte du salon.

Une seule personne était dans la pièce, une femme, débout, une Howk, une louve, regardant par la fenêtre, son épée toujours accrochée à sa ceinture. Rien d’autre, pas de vins sur la table, pas une grappe de fruits, ni même une carafe d’eau. Dès que la porte s’ouvrit elle tourna son attention vers lui.

« Ah ! Vous voilà enfin. Monsieur M, ravie de vous rencontrer. Je suis Li Sang d’Eté, Police Howk.

Est-ce que vous auriez un instant à m’accorder ? Ce ne sera pas long ».

Sans même qu’il ne puisse réagir – surpris par la disposition de la pièce dans laquelle il venait d’entrer, pourtant son propre salon – elle avait pris l’initiative. Et son regard… Ses iris étaient couleur de sang.

Ses pupilles s’étrécirent pour ne devenir que de fentes, elle avait perçu son désarroi.

« Installez-vous, Monsieur M. Vous êtes chez vous après tout. »

Chez lui ? Par La Lumière normalement oui, mais ici, dans ce salon, sans aucun de ses gens, sans un plateau de fruits, sans un de ses mouchards, sans rien pour appeler ses hommes si ça devait mal tourner. Il n’était pas dans sa maison en ce lieu, mais dans une salle d’interrogatoire.

« La Lumière soit sur vous Li Sang d’Eté. Bienvenue chez moi. Installez-vous de même, vous êtes mon invitée.

Mon personnel laisse à désirer. Comment ont-ils pu vous recevoir ainsi ! Vous ne vous êtes même pas débarrassé. Erwin !».

L’Homme allait appuyer son appel d’un claquement de main quand l’injonction frappa.

« Inutile, Monsieur M. J’ai déjà pris la liberté de libérer votre personnel de ses obligations. Pour que nous ne soyons point dérangé lors de notre entretient. Asseyez-vous donc. Ce ne sera pas long, je vous l’assure. »

Ce n’était pas la Police.

La peur, sa vieille amie, qu’il pensait avoir oubliée, rangée, revenait courir le long de son échine. Il s’assit, sans vraiment savoir si c’était de son fait.

« Police Howk vous dîtes ? Voilà des méthodes bien cavalières pour des gardiens de la paix. Je ne savais pas que vous aviez autant d’autorité.

En voilà des manières de s’installer chez les gens. Vous ne m’avez d’ailleurs pas encore montré votre carte. A venir « libérer » mon personnel, qui me dit qu’ils sont encore en vie ?

Etes-vous vraiment une Howk ? Ou l’un de ses vulgaires magiciens ou autres envieux venus dépouiller ce que j’ai honnêtement gagné.»

Un peu brusque, trop rapide, la peur est vraiment une mauvaise alliée, contrairement à celui caché dans la longue manche de son manteau, prêt, implacable. Il était chez lui et ce ne serait ni la première ni la dernière qu’il enterrerait dans son jardin.

Li Sang d’Eté esquissa un léger sourire, satisfaite.

Elle se déplaça enfin et s’installa en face de lui. Son regard… Un fauve était rentré dans sa demeure et il était sa proie. Le doux chant de sa voix reprit.

« Monsieur M, je comprends votre suspicion mais certaines affaires nécessitent certaines précautions. Il serait dommage qu’un opportun écoute notre conversation. Pour vous, pour moi, comme pour eux.
Je n’apprécierai guère devoir prendre certaines dispositions. Répondez-juste à mes questions, plus vite nous aurons terminé, et ce léger contretemps sera vite oublié. Vous reprendrez vos diverses affaires avec la même nonchalance qui vous caractérise.»

Tout en s’asseyant, elle tendit la main vers L’Homme, une légère étincelle, et se présenta sur sa paume sa Carte de Police Howk.

L’homme sortit des lunettes de l’une de ses innombrables poches intérieures de son long manteau de visons, vérifiant au passage ses propres dispositions, et examina l’objet.

C’était une vraie.

Glissant un regard vers son « invitée », il analysa rapidement la menace.

C’était une Lycanthrope. Et au de sa signature magique c’était bel et bien une Howk. D’un Stade de Puissance élevé vu la couleur de sa fourrure, d’un brun uniforme. C’est tous ce qu’il put voir. Portait-elle un brouilleur ?

Non… C’était autre chose. Ces lunettes, ce n’était pas de la camelote de thaumaturge à trois sous. Elle lui avait coûté du bon argent. Trente Boules ! Le matos du Vampire ne ment pas.

Tout en rangeant soigneusement ses lunettes, L’Homme reprit la parole.

« Il y a des femelles maintenant dans la Police Howk ? D’un si haut Stade ? Quel curieux choix de carrière pour une personne aussi puissante que vous. Vos méthodes auraient-elles fermé toutes autres voies ?

Dans tous les cas vous êtes une débutante. A moins qu’il y ait une enquête ouverte sur moi, et encore, vous n’avez même pas de mandat, je n’ai aucune obligation de répondre à vos questions.

Je paye mes subventions à l’Empire. Je participe largement à l’effort social du Conglomérat des Nations Howk ! C’est moi qui paie votre salaire ! Savez-vous seulement à qui vous parlez ?!

Madame… Je vais vous demander de quitter mes terres et de revenir dans les formes quand vous aurez appris votre métier.

Votre supérieur sera mis au fait de votre négligence.  »

Encore trop brut. L’Homme n’arrivait toujours pas à dissiper sa nervosité.

Pourquoi la conversation continuait-elle ? Pourquoi n’avait-il pas déjà mis fin à ce désagrément ? Qu’importe le Stade qu’elle était, ce qu’il avait dans sa manche la « Ramènerait à la Terre ».

Mais ce serait dangereux. Il ne fallait pas attirer l’attention.
Pas maintenant… Pas avant que son meilleur coup soit fait.

Li sang d’Eté ne se départit plus de son fin sourire. Elle jubilait.

« Pour quelqu’un qui n’a rien à se reprocher, vous semblez avoir une bonne connaissance de la Police, mais je doute que vous puissiez contacter mon supérieur.

Je sais très bien qui vous êtes, Monsieur M. Je ne voudrai pas insulter votre intelligence, mais vous gaspiller votre temps à résister. Vous devriez savoir que Notre juridiction n’a que très peu de limite.

Nous discutons dans votre maison car Nous vous respectons Monsieur M. Nous respectons vos efforts et bien étendu l’ample contribution que vous Nous pourvoyez dans tous vos domaines d’activités. Nous pourrions être ailleurs, moins confortablement installés, sans tous vos artifices, aussi rassurant qu’ils puissent être.

Cessons ces échanges puérils. Entre personne de bonnes vies, nous savons que le temps est un outil précieux. »

La Black Squad.

C’était une membre de la Black Squad. La Police des Polices, qui n’avait pour loi que la leur. Surveillant les Deux Mondes, l’écoutant chaque instant, ils ont fait disparaître des gens, créé ou fait tomber des états, façonnant dans l’ombre la politique de Shiraz Tantra depuis des millénaires.

Serrant sa canne, la main de L’Homme trembla. « Nous », que La Lumière lui vienne en aide, la Black Squad avait tourné son regard vers lui.

Cela n’avait durée qu’un instant, mais la faiblesse l’avait frappé. La chausseuse l’avait vu, son sourire ne fit que grandir. Maintenant les choses étaient plus claires, la proie se savait acculée, il ne restait plus qu’à la ferrer. Li Sang d’Eté s’en délecta.

« Je n’ai aucun compte à rendre aux gens de votre espèce Blackeux !

Vous pensez savoir qui je suis ? Me respectez ? Respectez-vous aussi le Haut Prêtre ?!

Je suis Citoyen Du Monde et un ami de Tyr’Ion Avel’O’r’n ! Heureusement que vous ’avez pas eu la bêtise de m’enfermer dans votre Fort ! Il vous en aurait coûté ! »

Ne pouvant contenir son plaisir, Li Sang d’Eté laissa échapper un léger rire, jolie scintillement cristallin, terrifiant par son innocence.

« Monsieur M, en effet Nous ignorions cela. Mais il n’est point nécessaire de déranger votre prestigieux « ami » pour une simple conversation.
Bien que cela soit plaisant de vous voir bataillez mettons fin à vos craintes.

Nous ne sommes pas venus vous mettre en stase Monsieur M. Votre nature Immortel n’est pas le sujet de Notre visite, ni aucunes vos petites démêlés avec le Mal Nommé. »

Grave erreur. Il avait succombé. Il avait perdu le contrôle, ses mots lui avaient échappé. Ou était-ce elle qui les avait capturés ?

Inconsciemment, L’Homme serra sa canne. La pierre ornant à son sommet aurait dû le protéger de toute intrusion psychique. Devait-il l’armer ? Il modifia sa posture.

S’il devait tirer, il n’aurait qu’une seule occasion. L’atout dans sa manche, Blackeux ou pas, elle en crèverait. Cela marquerait la fin de Monsieur M et de sa dynastie.

Retour à la case départ.

Mais L’Homme peut se refaire, n’importe où. Il avait de la ressource. Cette ère était la sienne.

Et Surtout…

Le temps était son allié.

« Monsieur M, je ne voudrais pas vous manquer d’égard. Vous êtes réputé dans votre corps de métiers pour votre professionnalisme. Vous devriez donc savoir que tous échanges de services entre individus éduqués s’accompagnent toujours de bénéfices partagés.

Il serait malavisé de mettre fin à notre potentielle transaction sans en avoir écouté les termes.

Monsieur M, ne prenez pas de décision regrettable.
Nous apprécions votre travail et ne demandons qu’à vous soutenir davantage. »

Est-elle venue seule ? C’était le terme le plus important du contrat présenté.

Elle inondait le salon de sa confiance. Que La Lumière la brule ! Elle était persuadée de pouvoir le maîtriser. Pourquoi ? Seule ou pas ?

Elle savait qui il était. C’était la Black Squad, bien sûr qu’elle savait et elle pensait pouvoir le terrasser ?

Lui ?
Si facilement, qu’elle s’était permise de rire de lui, de le menacer sous son propre toit.

Seule ou pas, ils ne savaient rien.
Rien.

La colère, la rage, ses bonnes amies glissèrent sous sa peau, firent bouillir son sang, affutèrent ses pupilles.

Enfin.

Enfin, il avait repris le contrôle.

Il s’enfonça dans son fauteuil, à l’aise, après tout il était chez lui.

« Vous êtes venue pour une transaction ? Pourquoi vous n’l’avez pas dit de suite !

Erwin une collation ! Y fait soif ! Ça va taffer sévère ! Ramène aussi mon tabac ! »

Il claqua des doigts, prêts à négocier.

Texte : Hiroki Fushi / illustration : Miguel Ángel Ruggiero

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