Il y a moins de 100 ans
Au milieu des mortels, chaque fragments cacherait son immortalité ?
Tout est détruit. La grande civilisation humaine n’aura pas résisté à un simple virus. Ce virus, j’ai vu ce dont il est capable. Lorsque j’ai compris ce qui se passait, j’ai pris ma femme et enfourché ma moto pour quitter la ville qui s’effondrait sous nos yeux.
Les gens devenaient fous. Les pillages, la violence, le sang. Nous étions sous le choc de la vitesse de propagation et de ce que ça a fait au monde. Certains disent que le gouvernement le savait, mais qu’il n’avait rien fait. Moi, je n’en sais rien.
En attendant, tout est détruit. Les immeubles sont effondrés et dans les grandes villes, ils s’entassent comme des dominos qui n’arrivent pas à tomber entièrement.
Nous avons fui. Loin. Aussi loin que me le permettait ma moto, jusqu’à ce qu’une panne m’arrête. C’est là que ma femme est tombée malade. Elle était contaminée. Je l’ai vu dépérir sous mes yeux, sans pouvoir faire la moindre chose pour elle. Nous étions seuls dans cet ancien garage vide. En quelques jours, elle s’est desséchée, puis l’air a définitivement quitté ses poumons au moment où son âme quittait son corps.
Cela fait des années, mais je n’ai rien oublié et depuis, je n’ai plus rien ressenti. Je suis vide.
Me voilà à présent à la tête d’une petite escouade du clan. Mes talents à moto m’ont permis de mener mes propres raids et ils me font confiance. Ce monde est plongé dans le chaos et je ne vois pas ce qui pourra l’en extraire. En attendant, j’essaie de causer le moins de mal possible.
Bien obligé de voler pour survivre car il n’y a plus assez de nourriture pour tout le monde. Les autres commettent des crimes horribles. Je l’ai vu pendant mes premiers raids. Ils violent et tuent avec plaisir. Ils n’ont plus grand-chose d’humain lorsqu’ils sont dans cet état, puis, à leur retour, ils redeviennent des mecs normaux.
Dans mon escouade, j’ai interdit ces pratiques. Bien sûr, dans certains cas, nos cibles ripostent et il faut nous défendre. Je les ai avertis, le premier que je surprends en train de violer quelqu’un, je le traine sur tout le chemin du retour jusqu’à ce que ses membres se détachent de son corps.
Mais tout le monde ne partage pas cette vision dans le clan. Il y a « le boucher ». Ce mec est persuadé qu’il faut de la viande pour survivre et sa provenance l’importe peu. Les animaux se font de plus en plus rare, alors il récupère les cadavres des hommes à la fin des combats et les dépèce. Jamais je ne toucherai à une telle viande, ça a quelque chose de malsain. Il élabore des recettes à base de viande d’enfant ce taré ! Comment croire encore en ce monde ?
Nous pensions l’Humanité à l’abri. Notre savoir et notre technologie devaient nous sauver. On avait même des satellites qui surveillaient la surface de la planète, les océans ou le fond du ciel. On les a vus se désorbiter et entrer dans l’atmosphère comme une pluie enflammée, aujourd’hui, nous sommes seuls.
Je me bats. Je survis. Tous les jours sont autant de nouveaux défis qui nous poussent encore plus loin dans les ténèbres. Parfois je pense que nous sommes arrivés à un point de non-retour. Saurions-nous vraiment nous comporter en personnes civilisées si l’occasion se présentait ?
Chaque groupe se bat pour sa propre survie, mais je me dis que, même si l’on gagne, à la fin, que restera-t-il ?
Texte : J. Haim / Illustrations : David Nitting